Recherches sur la méthode dans les sciences sociales et en économie politique en particulier

Présentation de l’ouvrage

L’École historique allemande accueillit les idées nouvelles de Menger sans chaleur et avec acrimonie. Dès les Principes parus, il devint clair que Menger contestait au final l’approche historiciste dominante dans le monde germanophone, alors même que les Principes étaient dédicacés à Wilhelm Roscher, le père fondateur de l’École historique allemande. Les raisons des divergences apparurent de plus en plus manifestement jusqu’aux Recherches sur la méthode dans les sciences sociales et en économie politique en particulier qui marquèrent un sommet du conflit entre Menger et le chef de file historiciste allemand, Gustav Schmoller, car ce dernier produisit une recension méprisante, qui allait si loin que Menger répondit par une série de « lettre ouvertes » polémiques.

Or si les Recherches de 1883 pouvaient déjà se lire comme un manifeste anti-historiciste, elles étaient bien plus que cela, à la différence des « lettres ouvertes ». Il faut éviter de réduire la portée d’un ouvrage majeur dans la constitution de la méthodologie des sciences économiques, voire dans la philosophie des sciences à titre tout à fait général. Hormis l’affrontement poursuivi avec l’école allemande, Menger propose des voies conceptuelles neuves et qui ont d’autant plus marqué la discipline qu’elles y sont devenues par la force de l’habitude des attitudes spontanées : on ne confond plus histoire et théorie, données factuelles et preuves démonstratives notamment à la suite des mises en garde de Menger.

La « science » nouvelle que forge Menger ne se réfère pas à une accumulation de connaissance sur le passé. Elle forge la théorie a priori. Elle n’est pas pour autant arbitraire, elle est au contraire à l’épreuve des phénomènes (point discuté plus tard au sein de l’école autrichienne). La science ne consiste pas plus plus à donner des conseils pour l’avenir (par exemple aux décideurs politiques ou économiques) même si elle le peut sur des questions précises qu’elle contribue à bien reformuler. La science vise avant tout et seulement à faire de la science à satisfaire la curiosité et l’attention qu’elle-même porte aux phénomènes – il est donc loisible de s’intéresser à ceux du passé, et de faire de l’histoire : des illustrations de vérités plus générales déterminées dans la recherche se trouvent peut-être et même assurément dans quelque époque. On peut tout autant vouloir faire de la politique, mais strictement indépendamment de l’activité scientifique. La science des rapports (d’échanges matériels) entre les hommes constitue une définition à venir de la seule économie politique théorique pure dont les concepts doivent assurer que le centre du programme scientifique reste neutre en valeur et constitué par la seule théorie : c’est la priorité que manifeste l’ouvrage sur les méthodes, second pilier de l’œuvre de Menger après les Principes consacrés à la théorie.

Plan

  • LIVRE PREMIER : De l’économie nationale comme science théorique dans son rapport aux sciences historiques et pratiques de l’économie politique
    • Chapitre premier : Des différents points de vue de la recherche dans le domaine de l’économie politique
    • Chapitre 2 : Des erreurs qui résultent de la méconnaissance de la nature formelle de l’économie nationale théorique
    • Chapitre 3 : La nature particulière de la connaissance théorique en économie politique ne supprime pas le caractère de science théorique de l’économie nationale
    • Chapitre 4 : Des deux directions fondamentales de la recherche théorique en général, et dans le domaine de l’économie politique en particulier
    • Chapitre 5 : Du rapport de la direction exacte de la recherche dans le domaine des sciences sociales à la direction réaliste-empirique
    • Chapitre 6 : De la théorie selon laquelle il faut traiter les phénomènes de l’économie politique sans les séparer du développement d’ensemble, social et étatique, des peuples
    • Chapitre 7 : Du dogme de l’intérêt personnel dans l’économie nationale théorique et de la place qu’il y tient dans les questions de théorie de la connaissance
    • Chapitre 8 : Du reproche d’« atomisme » dans l’économie nationale théorique
  • LIVRE II : Du point de vue historique dans la recherche en économie politique
    • Introduction
    • Chapitre premier : Du point de vue historique dans l’économie nationale théorique
      • § 1. Du développement dans les phénomènes économiques
      • § 2. De l’influence que le développement des phénomènes économiques exerce sur la nature et sur les tâches de la direction réaliste-empirique de la recherche théorique
      • § 3. Que le reproche d’une généralisation excessive de la connaissance théorique en économie politique ne serait en aucune façon complètement écarté au moyen de la méthode dite historique
      • § 4. De l’influence du développement des phénomènes économiques sur la nature et sur les tâches de la direction exacte dans la recherche théorique
    • Chapitre 2 : Des directions pseudo-historiques de la recherche dans l’économie nationale théorique
    • Chapitre 3 : Du point de vue historique dans les sciences pratiques de l’économie politique
  • LIVRE III : La compréhension organique des phénomènes sociaux
    • Chapitre premier : De l’analogie entre les phénomènes sociaux et les organismes naturels, de ses limites et du point de vue méthodologique qui en résulte pour la recherche en sciences sociales
      • § 1. La théorie de l’analogie entre les phénomènes sociaux et les organismes naturels
      • § 2. Des limites de la légitimité de l’analogie entre les organismes naturels et les phénomènes sociaux
      • § 3. Des principes méthodologiques qui résultent de l’incomplétude de l’analogie entre les phénomènes sociaux et les organismes naturels pour ce qui concerne la recherche en sciences sociales
    • Chapitre 2 : De la compréhension théorique des phénomènes sociaux qui ne sont le produit ni d’une convention, ni d’une législation positive, mais au contraire les résultats non réfléchis du développement historique
      • § 1. Que reconnaître dans les phénomènes sociaux des produits organiques n’exclut en aucune façon l’aspiration à les comprendre de manière exacte (atomistique)
      • § 2. Des différentes directions de la recherche théorique qui résultent de la conception des phénomènes sociaux comme produits « organiques »
      • § 3. Des tentatives menées jusqu’ici pour résoudre les problèmes qui résultent de la conception organique des phénomènes sociaux
      • § 4. De la compréhension exacte (atomistique) de l’origine des produits sociaux qui sont le résultat non réfléchi du développement sociétal
  • LIVRE IV : Comment s’est développée l’idée de traiter historiquement l’économie politique
    • Chapitre premier : Les principes de l’École historique des économistes allemands étaient déjà connus depuis longtemps dans les sciences politiques
    • Chapitre 2 : L’École historique des économistes allemands a méconnu les idées de réforme dans l’École des juristes historicistes et se considère historique en son sens seulement par erreur
    • Chapitre 3 : De l’origine et du développement de l’École historique des économistes nationaux allemands
  • APPENDICES
    • Appendice I : De l’essence de l’économie politique
    • Appendice II : Du concept d’économie nationale théorique et de l’essence de ses lois
    • Appendice III : Du rapport des sciences pratiques de l’économie politique à la pratique de cette dernière et à l’économie politique théorique
    • Appendice IV : De la terminologie et de la classification des sciences économiques
    • Appendice V : Qu’il est possible d’atteindre, dans le domaine des phénomènes humains, des lois exactes (dites « lois naturelles ») en faisant les mêmes hypothèses formelles que dans le domaine des phénomènes de la nature
    • Appendice VI : Que les points de départ et d’arrivée de toute activité économique humaine sont rigoureusement déterminés
    • Appendice VII : De l’opinion faussement attribuée à Aristote selon laquelle l’apparition de l’État est originaire et exactement contemporaine de l’existence des hommes
    • Appendice VIII : De l’origine « organique » du droit et de sa compréhension exacte
    • Appendice IX : De l’orientation dite « éthique » en économie politique

Edition originale

Untersuchungen über die Methode der Socialwissenschaften und der politischen Ökonomie insbesondere, Leipzig, Dunckler & Humblot, 1883.

Traduction française

Recherches sur la méthode en sciences sociales, et en économie politique en particulier, trad. fr. Gilles Campagnolo, Paris, Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales pour la traduction française, 562 p., 2011

Littérature secondaire

CAMPAGNOLO Gilles, [2015] « Questions théoriques et pratiques posées par la traduction en français d’un texte fondateur d’économie politique : les Recherches sur la méthode, C. Menger », Repères. « Voies/Voix de la traduction », revue en ligne du DoRiF

hèque classique de la liberté », 2008, p. 391-408

Recension de l’édition française

Recherches sur la méthode dans les sciences sociales et en économie politique en particulier de Carl Menger, Traduit de l’allemand et présenté par Gilles Campagnolo (EHESS, 2011) par Sandye Gloria-Palermo, Revue de philosophie économique, 2014/2 (Vol. 15), p. 177 -181