Principes d’économie politique

Présentation générale de l’ouvrage

Écrits alors qu’il est professeur, les Principes d’économie politique [Grundsätze der Volkswirtschaftslehre] furent un coup de maître pour un coup d’essai et demeurent, alors qu’il devait s’agir d’une annonce introductive, le chef-d’œuvre de Menger. Publié en 1871 le volume était conçu comme une première partie dans un ensemble plus vaste que Menger ne put finalement mener à bien, rapidement pris dans la « querelle sur les méthodes » où il eut à défendre son approche théorique dans les Principes.

L’ouvrage allait, sur des concepts neufs, réorienter l’économie politique vers la théorie que les historicistes avaient de facto, et malgré certaines dénégations, abandonnée. Les revendications qu’il posait pour la science moderne conduisaient à l’abandon tant du paradigme classique  dominant depuis Adam Smith (La richesse des nations, 1776) et surtout David Ricardo (Principes de l’économie politique et de l’impôt, 1817) que de la façon de faire de la recherche en économie : Menger rejetait à la fois les illusions des classiques et l’impasse des historicistes.

Dans ses Principes, Menger propose une théorie nouvelle, reprise depuis les fondements. Et ceux-ci sont subjectifs. Il affronte le classicisme, il propose même, lui aussi, comme les auteurs allemands, de s’en écarter, mais en renvoyant les fausses prétentions de l’historicisme à venir à bout de l’École dite « de Manchester », qui reprenait dans la perspective dite du « libéralisme classique » les thèses du classicisme en économie politique. Menger veut une théorie alternative. Or cette ambition mine en vérité les positions fondamentales des deux courants dominants. Menger allait faire place nette, fournir donner des bases subjectivistes, individuelles, neutres du point de vue moral, et « pures » du point de vue méthodologique, à l’édifice de la théorie économique.

Ses concepts fondamentaux sont notamment ceux de « satisfaction des besoins », de « disponibilité des biens » , de moyen pour la réalisation des objectifs de l’individu, l’unité élémentaire de l’analyse économique en ce qu’il est toujours l’agent décisif de l’échange dans lequel il entre.

Menger donne toujours une grande place à l’analyse des termes (encore plus dans les notes inédites pour la nouvelle édition qu’il souhaitait publier). La classification des idées, comme celle des sciences, est essentielle à ses yeux, sa critique est sarcastique quant aux impropriétés dans les termes de ses collègues économistes. Un sens exact doit produire un édifice théorique clair. L’économie doit bénéficier de cette précision qui n’est pas synonyme de formalisation : l’ensemble vaut par l’agencement des concepts au moins autant que par chaque concept pris isolément. Menger se représente ainsi une espèce de « machine exploratoire » de l’activité humaine individuelle en rapport à l’accomplissement de la vie matérielle dans le monde.

Menger propose d’orienter la science dans une voie moderne pas pour autant modélisée mathématiquement. Par ailleurs, l’élaboration de l’œuvre de Menger à travers les sources de sa pensée montre selon l’expression anglaise un work-in-progress, et dans le terme allemand consacré : une Entstehungsgeschichte par les efforts qu’il déploya pour s’employer toujours à préparer une nouvelle édition de son chef-d’œuvre de 1871.1Les éléments dont il est certain que Menger seul fut à leur origine méritent une étude détaillée, qui a été accomplie dans l’édition critique française parue en 2020.

Sommaire de l’édition française

  • Préface (Bertram Schefold), p. 9-21
  • « Les Principes de Carl Menger : une économie théorique pure » (Gilles Campagnolo), p. 29-180
  • Historique des éditions des Principes (Gilles Campagnolo), p. 181-238
  • Références bibliographiques, p. 239-251
  • Principes d’économie politique (Carl Menger), p. 255-738
  • Appendices (Gilles Campagnolo), p. 741-802

Plan du texte de Menger

  • Premier chapitre. Théorie générale du bien
    • §1. Des biens dans leur essence
    • §2. De la relation causale entre les biens
    • §3. Les lois suivies par les biens eu égard à leur qualité de biens
    • §4. Temps et erreur
    • §5. Des causes du progrès dans le bien-être des hommes
    • §6. La possession des biens
  • Deuxième chapitre. Économie et biens économiques
    • Introduction
    • §1. Le besoin humain
    • §2. Les quantités disponibles
    • §3. De l’origine du rapport économique parmi les hommes et de l’origine des biens économiques
    • §4. La richesse
  • Troisième chapitre. La théorie de la valeur
    • §1. De la valeur des biens, dans son essence et dans son origine
    • §2. De la mesure originelle de la valeur des biens
    • §3. Les lois suivant lesquelles se règle la valeur des biens d’ordre supérieur
  • Quatrième chapitre. La théorie de l’échange
    • §1. Les fondements de l’échange économique
    • §2. Les limites de l’échange économique
  • Cinquième chapitre. La théorie du prix
    • Introduction
    • §1. La formation du prix en échange isolé
    • §2. La formation du prix en situation de monopole
    • §3. La formation du prix et la répartition des biens en concurrence bilatérale
  • Sixième chapitre. Valeur d’usage et valeur d’échange
  • Septième chapitre. La théorie de la marchandise
    • §1. Du concept de la marchandise compris dans son sens vulgaire et dans son sens scientifique
    • §2. De la capacité à écouler les marchandises
  • Huitième chapitre. La théorie de la monnaie
    • §1. De l’argent, dans son essence et dans son origine
    • §2. De la spécificité de l’argent selon les peuples et selon les époques
    • §3. L’argent comme mesure du prix et comme forme la plus économique de réserve pour l’échange
    • §4. De la frappe des monnaies

Edition originale

Grundsätze der Volkswirtschaftslehre, Wien, Wilhelm Braumüller, 285 p.

A télécharger la version pdf mise en ligne sur le site mises.de [consulté le 23/07/2015]

Traduction française

Principes d’économie politique, Première édition critique incluant la traduction et les annotations inédites de l’auteur établie et présentée par Gilles Campagnolo Paris, Edition du Seuil, 13 février 2020, 816 p.

Littérature secondaire

HAYEK Friedrich A., [1973] « La place des Grundsätze de Carl Menger dans l’histoire de la pensée économique » chap. XVIIdes Nouveaux essais de philosophie, de science politique, d’économie et d’histoire des idées, Paris, Les Belles Lettres, coll. « Bibliothèque classique de la liberté », 2008, p. 391-408

Note

  • 1
    Les éléments dont il est certain que Menger seul fut à leur origine méritent une étude détaillée, qui a été accomplie dans l’édition critique française parue en 2020.